Page 21 - Bulletin janvier 2021
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        Il y a quelques mois,  Madame Jacqueline Gaud nous quittait.
        Madame Gaud, Chère Jacqueline,  à la veille de Noël, n’est-il pas plus bel hommage à vous rendre que de
        vous demander de nous lire un très beau conte de Noël, un de ceux que vous avez écrits pour les Port d’En-
        vallois et dans lequel certains ne manqueront pas de se reconnaître.
        Merci Chère Jacqueline pour votre dévotion au profit de notre Commune et de ses Habitants. C’est avec
        beaucoup de respect et d’honneur que nous vous donnons la parole en vous promettant que ce ne sera pas la
        seule  occasion de vous lire, de vous écouter et de rêver en votre compagnie.

                                               Conte de Noël





                     Qui se souvient encore de Marie Printemps, de ses chiens et de sa poussette ?

       Parlez-en autour de vous et aussitôt tout le monde se pincera le nez. Il est vrai qu’elle sentait bien

       mauvais, notre Marie, mais avouez le, depuis qu’elle a disparu, elle a emporté vos souvenirs de jeunesse.
       Souvent, le jeudi, vous alliez la surprendre dans sa tanière.

       C’était facile à trouver. Il fallait passer devant la “caverne“, puis prendre à droite, la route qui mène
       aux Coumaillauds et tout de suite à gauche, elle était là ! Il fallait descendre dans le "grand trou».

       Pour corser le plaisir, nous n’empruntions pas le sentier qui y descendait. Nous passions par la pente
       abrupte, nous accrochant aux branches de noisetiers, laissant un peu de peau de nos genoux, mais cela

       ajoutait au mystère.

       Elle avait aménagé une grotte, fermée l’hiver par quelques planches, mais dès les beaux jours, elle vivait
       en plein air et nous faisait profiter de ses cueillettes. Nous étions là, bouche bée, à écouter ses histoires,

       tout en croquant des noisettes sauvages et ses affreuses galettes qui sentaient le brûlé - (mais que
       madame Marcoux nous pardonne, nous ne les aurions échangées contre aucun de ses gâteaux).

       Quelquefois, elle nous demandait de l’accompagner, il fallait alors marcher à pas menus, s’arrêter à
       chaque instant. Il nous semblait que chaque froissement, chaque chuchotement de feuille, fut pour elle

       un “évènement“.

       Pourtant, elle n’avait pas sa pareille pour trouver les baies sauvages. Elle nous avait appris à
       confectionner des paniers minuscules où nous placions les fraises. Son principal talent était celui de

       savoir trouver les champignons : il n’existait pas une parcelle de son territoire qui puisse lui échapper.
       Elle les devinait, pointait son bâton sur un tas de feuilles mortes ou de mousse et nous laissait les

       ramasser. Plus tard, il nous fallait les trier par espèces et les enfiler sur une ficelle. Elle les suspendait à
       l’entrée de la grotte, non loin du feu. Quand ils étaient bien secs, elle les entassait dans des boites en fer

       qu’elle collectionnait depuis des années.

       Nous n’avons jamais su comment elle dormait. Il y avait bien un amas de couvertures rapiécées,
       entassées au fond de la grotte, mais nous ne l’avons connue qu’éveillée.

       Même la nuit, il paraît qu’on la voyait quelquefois rôder dans les Chabossières. Sa lanterne ne lui
       fournissait qu’une pâle lueur, mais elle connaissait par coeur les moindres recoins.
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